Féroé au frais !

[Retour tardif sur un périple de groupe accompli au mitan de l’été, quand la canicule sévissait sur l’Hexagone, que l’on y succombait de chaleur, quand poursuivre l’humidité et les nuages avait du bon…]

Un voyage qui s’annonce embrumé aux îles Féroé. Pas facile de repérer les panneaux gauches dans de telles conditions… Ici devrait normalement s’étaler une splendide vue panoramique sur Tórshavn, la capitale de l’archipel féringien.

A Skálavík, sur l’île de Sandoy, où s’opère une distribution spatiale des membres du groupe assurant la maximisation spontanée de l’occupation territoriale. Mais, à part ça, toujours sans nouvelles des panneaux gauches féringiens… Déjà le deuxième jour du circuit.

A petite vallée, petit village, mais besogneux… Au frais à Funningur sur l’île d’Esturoy.

Les Féroé sont surnommées les îles du Peut-être. La formule est judicieuse et plaît fortement au Normand que je suis. Dans le brouillard du port de Syðradalur sur l’île de Kalsoy.

Inspirée d’un très célèbre conte des Féroé, la Kópakonan (femme-phoque) du sculpteur Hans Pauli Olsen attire chaque année un nombre toujours moins restreint de visiteurs à Mikladalur, sur l’île de Kalsoy. La Petite Sirène de Copenhague a du souci à se faire…

En bronze, haute de 260 cm, pesant près de 4 tonnes, elle ne passe pas inaperçue. Mais encore faut-il parvenir jusque là, sur les rochers dominant la mer d’où elle semble à peine surgir, se dévêtant de sa peau de phoque pour donner jour à son apparence humaine.

On raconte dans la légende qu’un fermier du village a dérobé sa peau de bête pour la contraindre à demeurer féminine. On ne naît pas femme, on le devient, et on nous le fait rester. Peut-être…

Eingin atgongd í Gásadalur, sur l’île de Vágar où l’on rencontre enfin notre panneau gauche. Toujours aux Féroé mais avec le soleil cette fois-ci. Avouez que ça semble valoir le coup de braver l’interdiction du panneau gauche pour s’offrir la vue qui s’y déploie au-delà… Évidemment, en tant que professionnel et responsable de groupe, je ne cautionne pas l’infraction des règles, surtout qu’on a la même vue sur la cascade avant et après avoir franchi ce panneau.

Encore la Kópakonan ! Pour vous ô lecteurs-trices, et parachever ce reportage aux Féroé – irl j’ai déjà regagné mes pénates depuis quelques jours [maintenant en vrai, ça fait quelques mois] – cette face habituellement cachée de la Kópakonan. Vous vous souvenez, la femme-phoque présentée supra… Ça s’est vu à Mikladalur aux maisons noires sur l’île de Kalsoy en juillet 2023.

Un rabiot de Féroé ? Histoire de terminer sur un chouette panneau ? « MERMAN XII INSTRUCTION »

Dans la salle des passagers du ferry M/F Sam, un panneau suranné nous explique comment enfiler notre gilet de sauvetage. Les visuels fleurent bon les années 70, et je suis à peu près certain que ce truc n’a pas été changé depuis la mise en service du navire assurant la liaison quotidienne entre les îles de Borðoy et Kalsoy. Et pour cause, après vérification sur le site de la compagnie opératrice, je peux désormais affirmer que le rafiot est sorti des chantiers navals en 1975.

Une semaine aux Féroé (juillet 2022)

Les péripéties inhérentes aux voyages en général, et des grèves des pilotes de certaines compagnies aériennes en particulier, ont failli provoquer l’annulation du voyage que je devais encadrer aux îles Féroé cette année, le premier depuis 2019 et l’interruption due au Covid.

Le matin du départ, j’ignorais toujours si le voyage se ferait et dans quelles conditions. Venu à Paris la veille, j’étais toujours dans l’attente de la confirmation, de l’annulation ou de l’espoir de trouver des billets sur une autre compagnie. Le ciel d’Europe est lourd de voyages avortés cet été, et celui-ci n’est pas passé loin de grossir cette triste cohorte.

Un épiphénomène sans aucun doute, mais pour moi, pour les 18 membres de mon groupe, pour la société qui m’engage et tous les prestataires locaux, il en allait différemment. Ce voyage, on y tenait ! Alors certes, aller jusque là-bas, dans ces îles nordiques, perdues au beau milieu de l’Atlantique, quelque part entre l’Écosse et l’Islande, s’est révélé plus compliqué qu’initialement prévu, mais nous y sommes finalement parvenus.

J’ai donc pu imaginer mes retrouvailles avec un vieux copain, Hans Pauli Hansen, le chasseur de macareux de l’île Mykines.

Hans Pauli Hansen (né en 1866) attrape des oiseaux à Mykines, in Alwin Pedersen (1935). Myggenæs. København: Gyldendal

Excursion sous les impressionnantes falaises de Vestmannabjørgini de l’île Streymoy. Des milliers de piafs n’ont rien trouver de mieux que de nicher dans les anfractuosités des parois de basalte qui s’élèvent jusqu’à 600 m au-dessus des eaux. Et dire qu’il y a des personnes assez téméraires pour braver l’océan à bord de trop frêles esquifs dans l’espoir de les observer.

Exode îlien. La principale agglomération de l’île Sandoy, Sandur, village de 500 et quelques habitants, a perdu un quart de sa population au cours des dernières décennies. L’isolement et le manque de perspectives provoquent le départ des familles vers d’autres lieux plus dynamiques. Il n’est pas rare d’y croiser des maisons abandonnées. L’espoir réside dans l’ouverture prochaine, en 2023, d’un tunnel routier sous-marin long de presque 11 kilomètres reliant Sandoy et Streymoy, l’île la plus peuplée de l’archipel.

Saksun. Tout au nord de l’île de Streymoy, une randonnée mène vers la plage du petit village. On chemine doucement entre de hautes falaises de basalte le long desquelles l’eau des montagnes se précipite. On se croit facilement arrivé au bout du monde. Le gris des nuages, le sombre sable volcanique, le vert étincelant des herbes folles, comme celui des mousses si grasses et si spongieuses ; le fracas des chutes d’eau, le ruissellement des eaux, le son étouffé du lointain ressac, et les tous cris des oiseaux dérangés par les promeneurs, nous enveloppent. Nous ne sommes pas de ce monde, nous sommes des intrus, furtifs. Tout y est mystère ici.

On dit des Féroé qu’elles sont le pays des peut-être…

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L’île de Borðoy aperçue depuis la rive de Kalsoy aux dernières lueurs du soir. Les îles semblent n’être jetées qu’à quelques encablures l’une de l’autre, mais l’océan qui les sépare les distingue comme deux mondes différents, de singuliers microcosmes.

Sur l’île Vágar, le jardin secret de Gásadalur, la vallée des oies où les moutons sont de loin les plus nombreux, est accessible uniquement par un tunnel percé sous les montagnes dans les années 2000. Avant cela, seuls une cale improbable héroïquement établie au niveau de la mer, et des sentiers serpentant dangereusement dans les montagnes, mettaient ce lieu isolé au contact du reste de l’humanité.

Et déjà le voyage s’est refermé. Avec mes compagnons de route, je quitte à regret ces îles si attachantes. Je formule la promesse d’y revenir l’an prochain avec un nouveau groupe à mener, et un jour – pourquoi pas ? – ma famille et mes amis.